Graines d’histoires
Nous étions 8 enfants et 12 adultes pendant 5 jours à vivre dans une grande demeure, quelque part en France : des parents, leurs enfants, leurs éducatrices et moi Clara, conteuse. Alors en toute humilité je tente cette aventure, magnifique....et si le conte, la musique permettaient aussi à des parents et à leurs enfants de se dire des choses, de se raconter ensemble, de se rencontrer, de s’inventer des morceaux de vies en y mettant ce qu’ils veulent de la leur, de s’écouter, de se regarder quelques instants ? Autrement. Pendant ces 5 jours, mon intention n’était pas de travailler sur les difficultés parents-enfants, mais de rechercher ces instants qui montrent à tous qu’on peut créer ensemble. Le conte nous permet cette alchimie puisqu’il mêle récits de vie et imaginaire. Il mêle des moments où, ensemble, on écoute une conteuse qui nous embarque « autre part » et des moments où on est soi-même créateur d’histoires et donc, conteur.
Chacun a maintenant un petit répertoire de contes en commun avec les autres. Quoi qu’on en fasse après, on aura traversé ces histoires ensemble et chacun y aura pris et laisser ce qu’il veut.
Juste pour mémoire, les histoires, dans l’ordre où je les ai fait venir durant le séjour :
Le Nom : conte africain écrit par Henri Gougaud
Pourquoi la mer est salée ? Conte breton réécrit par Clara
L’ogresse et le jasmin, conte libanais écrit par Jiwad Darwich
La fille de l’hiver, conte Français écrit par Jean Claude Bray (raconté aux enfants)
Yorg, conte norvégien écrit par Abbi Patrix
Ti-tête et Ti- corps, conte africain écrit par Henri Gougaud
Le K, nouvelle italienne écrite par Dino Buzzatti. (Racontée aux ados)
Le pot fêlé, conte indien écrit par Jean Claude Carrière. (Raconté aux adultes)
Je propose des jeux pour que chacun à un moment s’autorise à lâcher prise. Je propose des rituels, comme celui de prendre chaque jour les 20 djembes et de jouer ensemble, de chanter ensemble des chants venant d’Afrique, des chants de lutte et d’espoir.
Chacun, enfant, adulte est là, avec sa force, sa fragilité…. ces voix, ces tambours nous mettent dans une humanité, ensemble, et le sol de la pièce tremble et chacun laisse un sourire apparaitre ...
Pour moi la musique est une force et les peuples s’en sont servis pour ponctuer tous les moments de la vie. Alors pourquoi pas nous ? On ne sait plus qui est l’enfant de qui, mais on a une assemblée, une communauté d’adultes et d’enfants : tambours qui sortent de la terre, voix projetées vers le ciel, comme si nous prenions vraiment possession du monde dans une fierté collective.
Cette semaine continue aujourd’hui à me faire grandir, réfléchir sur ce que notre société tente de faire sur la parentalité : je pense que nous faisons fausse route. L’Afrique a un temps d’avance sur nous. L’adulte est responsable de l’enfant qu’il croise, qu’il soit parent ou voisin et l’enfant sait qu’il a donc plusieurs adultes sur qui il peut s’appuyer. En France, nous sommes trop tournés vers la petite cellule familiale qui parfois, en cas de difficultés d’éducation, amène culpabilité, mésestime de soi, peur du regard des autres. Ces sentiments traversent parents et enfants.
Les actions collectives apportent autre chose : une manière de résister à la puissance de l’individualisme.
Je revois cette première veillée autour des prénoms de vos enfants, des beaux souvenirs avec vos parents. Je réécoute la beauté du silence, je revois des regards, des gênes, des rires, des larmes, des corps, assis, allongés, couchés.
Je revois ces rencontres à deux, trois ou quatre qui vous ont permis de rentrer dans un personnage et ensuite de construire une histoire sur ces rencontres. Vous étiez tous très beaux à regarder, dans la simplicité et la vérité dans laquelle vous étiez en racontant, jusqu’à ce dernier soir devant nos invités.
Un pris sur le vif , à partager.
clara