L'intention, par Clara Guenoun
"En 2018, j’ai appris la mort par balle d’un jeune, ancien élève que j’avais suivi en 3ème métallerie chaudronnerie : une rixe entre deux bandes de quartier rivales.
Là est née la nécessité, l’urgence de raconter.
Requin-Chagrin, écrit à partir d’un récit autobiographique, nous parle d’aujourd’hui, d’une société qui a peur des requins comme des adolescents et ne prend pas en compte les difficultés de la jeunesse : quel modèle d’adultes a t-elle ? Que fait notre société pour que ses jeunes -ses forces vives-, puissent expérimenter des projets forts sans que leur vie soit mise en danger ? Quels lieux alternatifs à l’errance pourrions-nous imaginer pour que les plus relégués puissent quitter un temps au moins leur cage d’escalier, leur hall d’immeuble, leur aire quotidienne ?
Ce spectacle rend hommage à tous ces adolescents, élèves de SEGPA ou d’EREA sortis du système traditionnel, jeunes hommes en colère contre l’injustice, et que j’ai côtoyés tous les jours pendant des années.
La question de l’adolescence m’a toujours passionnée, ce mélange du tout-petit et du tout-puissant... Cette prise de risque, cette violence dont certains sont capables sur leur territoire et, en même temps, cette peur qui les habite dès qu’ils sont loin de chez eux, me touchent.
Requin-Chagrin veut rendre aussi hommage aux enseignants, aux éducateurs qui essayent de faire autrement, qui prennent l’élève, le jeune, l’adolescent dans sa globalité, avec son histoire passée, son présent, ses peurs, ses rêves de futurs, ses forces et ses fragilités.
Ce spectacle, malgré la mort tragique de son héros, Mamadou, est une traversée pour ses camarades et leur enseignante. Une traversée qui rend plus fort et qui permet à ceux qui restent en vie de mettre des mots sur les maux."
L'histoire
"Quand on est désiré nulle part, on choisit pas où on va."
C'est une prof de français qui intervient auprès d'une classe de 3ème professionnelle en Métallerie-Chaudronnerie. Elle raconte des histoires pour faire corps avec ses élèves, pour souder leurs émotions au plus près des épreuves qu’ils traversent.
Dans sa classe, Mamadou, un ado de 15 ans, attire son attention.
Chaque matin, elle l'entend arriver de loin, agrippé comme un petit avec son doudou, à la sacoche qui protège son téléphone portable.
Mamadou joue au caïd dans la classe. Il joue pour exister, pour se faire une place.
Un jour, en entrant dans la classe, il parle d’un flingue qu'il garde chez lui. Mamadou se vante pour impressionner les autres mais la prof l'entend et décide d'intervenir.
Elle veut ouvrir une fenêtre à ces jeunes et décide de monter un projet, bulle d'oxygène, pour les extraire quelques jours de leur quotidien. Ils vont partir tous ensemble à Marseille voir la mer !
Marcher dans la ville, sentir le sable, se laisser bercer par les vagues et se défaire de sa peau de requin. Mais un requin ne sait pas nager à reculons...
L’intention et la forme en étroite résonance
Une forme « tout terrain » et une forme « plateau »
Ce spectacle d’1 heure est conçu pour pouvoir être joué dans tous les lieux, du théâtre au lycée et pouvoir échanger avec les jeunes, leurs parents, les travailleurs sociaux, les enseignants, les éducateurs, les animateurs…
Il veut aussi toucher des publics moins spécialisés.
Version « tout terrain »
Un espace libre / Une chaise et une table de collège / Une régie son mobile / Deux à six projecteurs sur pied avec gradateur
Une version « plateau »
Un plateau de 6x5m minimum / Un régisseur son / Un régisseur lumière / Un plan de feux de +/- 20 projecteurs
Un bord de scène de 45 min
Quel que soit la version choisie, un bord de scène est possible et souhaité : il s’agit de donner aux spectateurs un temps pour laisser venir à chaud des mots, des émotions, des « je me souviens », des paroles politiques sur les questions soulevées par le spectacle.